Nova Scotia Archives

Une paroisse acadienne renaît

Les premiers cinquante ans de registres paroissiaux catholiques de la région d'Argyle après la Déportation

Les familles acadiennes d'Argyle

En examinant les familles acadiennes de la région d'Argyle, il faut noter que quelques familles qui s'installèrent ici après la Déportation avaient des liens historiques avec la région. Les familles d'Entremont et Mius (Muise, Meuse) avaient vécu ici depuis les années 1650, tandis que la famille Amirault s'était installée à Cap-Sable depuis plusieurs générations. Certaines autres familles qui s'installèrent dans la région d'Argyle après la Déportation avaient tissé des liens familiaux avec ces vieilles familles de la région d'Argyle par des mariages entre familles avant d'arriver sur place.

Pourtant, la plupart des autres familles acadiennes qui se sont installées dans la région d'Argyle à cette époque n'y avaient pas vécu. Elles s'étaient installées dans d'autres régions de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, mais presque sans exception furent toutes déportées vers la Nouvelle-Angleterre. Ils furent exilés à un endroit qui rendait possible un retour à la Nouvelle-Écosse. Par contre, très peu d'Acadiens déportés vers l'Angleterre, la France ou les Caraïbes sont revenus aux provinces Maritimes.

Un très petit nombre de familles acadiennes qui se sont installées dans la région d'Argyle après la déportation n'ont pas été déportées du tout. Certains ont pu éviter les Britanniques, mais furent capturés plus tard et emprisonnés à Halifax ou ailleurs dans la colonie. Ceux-ci furent libérés plus tard et accordés la permission de s'installer dans diverses régions de la Nouvelle-Écosse. Il est reconnu que dans certaines régions des provinces Maritimes, de petits groupes d'Acadiens ont pu éviter la Déportation en abandonnant leurs villages pour se retirer dans la forêt profonde, loin des côtes. Mis à part une exception notable, ceci ne semble pas avoir été le cas en Argyle.

Selon le spécialiste d'histoire acadienne, feu Père Clarence J. d'Entremont, on retrouve des traces de chaque famille acadienne qui s'installa dans la région d'Argyle après la Déportation dans les documents de l'époque confirmant qu'ils sont venus de la Nouvelle-Angleterre ou d'un autre lieu d'exil. La seule exception s'agit de la famille de Joseph Moulaison. Bien que les détails précis d'où cette famille résidait à Cap-Sable au moment de la Déportation soient perdus, il est clair qu'ils ont pu éviter le sort de leurs compatriotes.

Ce fait est confirmé par un document au bureau d'enregistrement des titres du comté de Yarmouth du 27 juin 1764, qui démontre que Ranald MacKinnon a transféré 250 acres de terres à Joseph « Mollisiong » plus de trois ans avant le retour des premiers Acadiens exilés en Nouvelle-Angleterre au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Cela fait de la famille Moulaison la première famille acadienne dans la région d'Argyle après la Déportation, parce qu'ils ne sont jamais quittés.

Les premières familles acadiennes de la région d'Argyle après la Déportation : le repeuplement de la région d'Argyle et la fondation de nouvelles communautés

En 1767, un petit groupe de colons est arrivé à Pubnico du Massachusetts. Ils comptaient 24 personnes et inclurent les familles suivantes :

  • Charles Amirault, sa femme Claire Dugas, et leurs quatre enfants. Une de ceux-ci, leur fille Marguerite, a marié Pierre LeBlanc en exil au Massachusetts.

  • Jacques Amirault (le frère de Charles), sa femme Jeanne Laure, et plusieurs de leurs enfants, dont quelques-uns qui s'étaient mariés.

  • Charles Belliveau, sa femme Agnes Gaudet et leurs sept enfants.

  • Charles Belliveau (le fils du Charles ci-dessus), sa femme Marguerite Bastarache, et trois de leurs enfants.

  • Marguerite (Amirault) d'Entremont, veuve de Jacques d'Entremont (qui est décédé au Massachusetts en 1759), et cinq de ses enfants, trois fils et deux filles. Quelques-uns de ses enfants se sont mariés en exil.

On pense que Pierre Hinard et la famille de Joseph Mius II sont aussi revenus en 1767, s'installant à ce qui est maintenant Wedgeport, dans le comté de Yarmouth.

Durant les années qui suivent, diverses autres familles acadiennes retournèrent à la région. Dans plusieurs cas, la date précise de leur retour n'est pas connue, mais la plupart arrivèrent entre 1767 et 1787.

Après Pubnico et Wedgeport, les autres communautés établies par les Acadiens incluent Sainte-Anne-du-Ruisseau (anciennement Eel Brook, ce qui inclut une petite péninsule adjacente qui s'appelle la Pointe à Rocco), Abram's River, Pointe-des-Hubbard, Buttes-Amirault, Pointe-du-Sault, Île-des-Surette, et une ou deux autres îles où ils se sont installés, mais qui ne furent pas occupées longtemps.

Les Acadiens et les Planteurs de la Nouvelle-Angleterre installés dans le canton d'Argyle ont vu l'arrivée des colons loyalistes américains dans les années 1780. Ceux-ci étaient des réfugiés politiques qui se sont enfuis des États-Unis à la fin de la Révolution américaine. Dans son livre History of Yarmouth County de 1876, le pasteur J. R. Campbell cite le récit d'une fille parmi les premiers loyalistes à arriver à Tusket, le 11 mai 1784. Selon son récit, « À ce temps-là il n'y avait personne d'établi le long de la rivière (Rivière Tusket), à part les Français. » On peut conclure alors qu'en 1784 il y avait des familles acadiennes à la Pointe-du-Sault, aux Buttes-Amirault et à la Pointe-des-Hubbard, sur la côte est de la rivière, tandis que sur la côte ouest on retrouvait les colons acadiens à Wedgeport.

Avec le temps, la croissance de la population acadienne a entrainé la création de nouvelles communautés par ces mêmes familles, telles que les villages des Bellevilles, de Bell Neck, de Quinan, des Buttes-des-Comeau et de Pinkney's Point.

Les vieilles familles acadiennes de la région d'Argyle

Les noms de famille que l'on retrouve couramment incluent Amirault, Babin, Belliveau, Bourque, Clairmont, Corporon, d'Entremont, Doucet/Doucette, Duon (maintenant d'Eon), Frontain, Hinard, LeBlanc, Mius (Muise/Meuse), Pottier et Surette.

À ces seize noms de famille on peut en rajouter quelques autres, qui représentent les noms de jeune fille des femmes de certains des colons. Ces noms sont Bastarache, Bellefontaine, Hébert, Laure, Pellerain, Préjean, et peut-être un ou deux autres.

L'arrivée des Français

On retrouve souvent d'autres noms de famille français dans les registres paroissiaux présentés dans « Une paroisse acadienne renaît ». Beaucoup de ces familles n'étaient pas acadiennes. De temps en temps, des colons français de Saint-Pierre-et-Miquelon ou des Îles-de-la-Madelaine se sont rendus à la région d'Argyle, mais de tels cas sont rares. Étant donné que ces premiers colons se sont inévitablement mariés avec des femmes acadiennes, leurs descendants peuvent s'identifier en tant qu'Acadiens, même si leur nom de famille n'est pas acadien.

Les autres noms de famille français que l'on retrouve dans la région d'Argyle incluent Blanchard (bien que ce soit un ancien nom de famille acadien d'ailleurs, les Blanchard de la région d'Argyle sont arrivés plus récemment), Boutier/Boucher, Cottreau, DeVillers, Dulain (maintenant Dulong), Jacquard, LeFebvre/ LeFevre/ LeFeve/ LeFave, Maphre/Bertrand et Richard.

Le recensement de la Nouvelle-Écosse qui a eu lieu en 1838 constitue une source importante des noms de famille acadiens et français que l'on retrouve dans le comté de Yarmouth à cette époque. Bien qu'un ou deux des noms de famille aient disparu à cette date, l'énumération compte presque toutes les familles acadiennes qui s'étaient rendues au comté de Yarmouth et la région d'Argyle après 1767.

Les Acadiens de racines catholiques irlandaises

Quelques hommes catholiques irlandais qui se sont installés dans la région d'Argyle après la Déportation sont entrés dans la communauté acadienne par le mariage. Évidemment, la langue et la culture furent moindrement un obstacle que la religion. Dans certains cas, leurs descendants étaient francophones pendant plusieurs générations et sont considérés Acadiens dans leurs communautés. La plus ancienne de ces familles s'agit de la famille Hubbard. Les familles Fitzgerald et Burke constituent des exemples semblables que l'on retrouve plus tard.

Les liens avec les communautés acadiennes avoisinantes

Pendant le premier siècle après la Déportation, les mariages entre les populations acadiennes et anglophones sont très rares dans la région d'Argyle. La majorité de la population anglophone dans le comté de Yarmouth était protestante, tandis que les Acadiens étaient catholiques. Des mariages entre les Acadiens et les catholiques irlandais eurent lieu de temps en temps, mais sinon les barrières religieuses furent presque toujours respectées. Les règles sévères de l'Église catholique décourageaient le mariage entre parents proches faisant en sorte que les Acadiens de la région Argyle regardèrent invariablement vers les communautés acadiennes avoisinantes à la recherche d'un époux.

Heureusement, il y avait une plus grande population acadienne à proximité dans la région de Clare, dans le comté de Digby. Bien que les régions d'Argyle et de Clare fussent séparées par la forêt et plusieurs communautés anglophones, la plupart des communautés acadiennes étaient (et demeurent de nos jours) des communautés côtières. Les Acadiens profitèrent de cette situation géographique, étant donné que les déplacements se faisaient plus souvent par bateau que par voie de terre.

Les premiers prêtres résidents et missionnaires dans la région servirent les comtés de Digby et Yarmouth, ce qui a probablement contribué à tisser plus de liens entre les deux régions. Le prêtre habitait normalement à la Pointe-de-l'Église dans le comté de Digby, se déplaçant à la région d'Argyle durant des périodes fixes avant de retourner à la Pointe-de-l'Église. Il est raisonnable de supposer que des familles en possession de bateaux de pêche se rendirent au comté de Digby durant les périodes où le prêtre s'absentait pendant des mois. Une fois les alliances de mariage forgées, les familles des deux régions eurent davantage de raisons pour effectuer le trajet.

Quelques-uns des noms de famille acadiens de la région de Clare et du comté de Digby que l'on retrouve dans les premiers registres catholiques de la région d'Argyle incluent Comeau, Deveau/Devault, Doucet, Melanson, Robicheau/Robichaud, Saulnier, Theriault, Thibaud, Thibodeau et Trahan. Au-delà du comté de Digby, la communauté acadienne la plus proche se situait à Chezzetcook dans le comté d'Halifax, ce qui était trop loin pour des rencontres fréquentes et pour faciliter les mariages entre les communautés.

Quelques notes au sujet des prénoms acadiens

Bien que « Thomas » soit un prénom biblique que l'on retrouve dans beaucoup de régions francophones, il ne figure pas parmi les prénoms des vieilles familles acadiennes de la région d'Argyle. La seule famille qui aurait peut-être utilisé ce prénom à cette époque était les Cottreau de Wedgeport, dont l'ancêtre est venu directement en Nouvelle-Écosse de la France après la Déportation. Au lieu de « Thomas », les familles de la région d'Argyle préférèrent « Athanase », qu'ils traduisirent en « Tom » ou « Thomas » en anglais.

Parmi les prénoms les plus originaux attribués aux hommes de la région d'Argyle on y retrouve Amable, Ange, Anselme, Appolinaire, Augustin, Barromé, Damase, Florent, Hilaire, Honoré, Hyppolyte, Mandé, Mathurin, Maximin, Onésiphore, Rémi, Silvain ou Sylvain, Toussaint et Volusien. Chez les femmes, ceux-ci inclurent Bibianne, Euphroisine, Léonice ou Léonisse, Osithes, Pélagie, Perpétue, Radegonde et Scholastique.

Une recherche sur l'origine de ces prénoms révèle qu'à part quelques exceptions, la plupart se retrouvent dans n'importe quelle encyclopédie des saints catholiques. Beaucoup des noms, lorsqu'ils furent utilisés pour la première fois, auraient pu être suggérés ou imposés par le prêtre. Par ailleurs, le lexique des prénoms parmi les premières familles acadiennes n'était pas particulièrement vaste : on note un surplus de « Maries » parmi les femmes et d'innombrables « Jeans » et de « Josephs » parmi les hommes.

Avec tant de gens portant des prénoms semblables or identiques, il n'est pas surprenant que la population acadienne se serve de surnoms pour faciliter l'identification. Dans les premiers registres paroissiaux, par exemple, il y avait tellement de personnes nommées « Joseph Babin » dans la population locale que le prêtre, éprouvant des difficultés à les différencier, en qualifie un de « Joseph Babin dit Nadeau », et d'autres en tant que Joseph Babin « l'ancien » et Joseph Babin « le jeune ». Cette tradition persiste de nos jours dans les communautés acadiennes d'Argyle.

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