Ernest J. Dick, 'The Way We Were: Nova Scotia in Film, 1917-1957' (2010). Wherever possible in the text below, discussion of specific film footage available within the Virtual Cinema component of this website has been linked directly to that footage.
Il y a maintenant plus d'un siècle que des films sont réalisés et présentés en Nouvelle-Écosse. Une nouveauté au départ, et le travail et le loisir des professionnels, la réalisation cinématographique fut graduellement accessible à tous ceux et celles qui désiraient acheter une caméra. Les « petites vues », comme on les appelait, devinrent un produit de la vie quotidienne. Petit à petit, il s'est constitué, au cours du siècle, dernier un fonds de films réalisés par des amateurs et des professionnels, qui est suffisant pour nous révéler collectivement beaucoup de choses sur qui nous étions et comment nous vivions en Nouvelle-Écosse, parfois même, plus que ce à quoi nous aurions pu nous attendre.
Les films nous informent de tout ce qui était important pour nous, c'est-à-dire qui, quoi, quand et où : un fait épique, tragique ou simple, la visite d'une personne célèbre, une fête d'anniversaire en famille ou un événement inattendu. Le film représente nos réalisations, nos espoirs, nos souvenirs, même nos peurs. Le film est toujours un véhicule d'enregistrement intentionnel, qu'il s'agisse d'une chose chimiquement altérée par la lumière et projetée sur un écran, d'un signal magnétique enregistré, décodé et vu sur un écran de télévision ou d'une information numérique emmagasinée ailleurs et téléchargée sur un appareil portatif. Le film révèle toujours quelque chose de l'endroit sur lequel est dirigée la caméra et toujours dans le but d'en faire un usage ultérieur. Comme aujourd'hui, nous nous attendions toujours à l'époque à regarder de nouveau les images que nous avions créées.
De plus, le film capte plus que ce que la personne qui pointe, positionne et opère la caméra veut capter initialement ou, peut-être, que ce qu'elle comprend. La caméra a saisi sur la pellicule le chat de la maisonnée qui passait durant le tournage de la scène des fiançailles dans Evangeline, au lac Chocolate à Halifax, en 1913; l'éloquence timide et la confiance de votre mère bien avant votre naissance, la fumée noire sur le front de mer d'Halifax à une époque que nous avons toujours imaginé plus écologiquement propre que la nôtre; l'énergie irrépressible et la méchanceté de cet oncle bourru et irascible que vous connaissiez seulement de réputation et d'après des photographies tristes et rébarbatives; le maire respecté de votre ville natale brandissant fièrement une cigarette, ce qui lui donne aujourd'hui un air tout à fait louche; des marins qui flirtent sans vergogne avec des jeunes filles au parc de la pointe Pleasant et des jeunes qui flirtent sans moins de vergogne avec ces marins; et bien, bien plus encore. Chacun fera ses propres découvertes sur qui nous étions et comment nous vivions en regardant attentivement ces testaments filmés du siècle dernier.
Pendant les six premières décennies du 20e siècle, les caméras captèrent ce qui bougeait et le présentèrent sous forme de films, avec toutes les qualités et les limitations propres à l'équipement et au véhicule. Le grand avantage de la caméra est le fait qu'elle saisit de façon transparente, impitoyable et passive ce qu'elle voit. Les lentilles ont des limites et elles créent de la distorsion mais elles ne peuvent rien ajouter à ce qui est déjà dans l'œil de la caméra. Le film, à son tour, emprisonne des images qu'aujourd'hui, à l'ère numérique, nous pourrions facilement et rapidement effacer. De plus, le film survit remarquablement pendant de nombreuses décennies, étant plus robuste que le papier dans des circonstances similaires. Le film résiste aussi à l'effacement, à la manipulation, à la compression et aux retouches, ce qui en fait un des véhicules les plus authentiques du siècle dernier, tant et aussi longtemps que nous en prenons soin.
Depuis presque le début, les caméras varièrent en prix et en complexité parce que les fabricants connaissaient déjà l'enthousiasme des amateurs pour les appareils photographiques. Comme ils avaient immédiatement compris qu'ils feraient de plus gros profits en vendant des pellicules et le développement des pellicules exposées, ils vendaient les caméras le moins cher possible.
Jusqu'au milieu du siècle, c'était cher et compliqué de filmer et de développer des films. Cela limitait sérieusement à quel moment et comment on pouvait utiliser le film. Par exemple, la pellicule de 35 mm, qui était la norme professionnelle pour la production cinématographique à partir de 1909, était habituellement faite de nitrate de cellulose, une matière dangereuse en soi et combustible. La Nouvelle-Écosse n'a jamais eu la capacité de développer les pellicules de 35 mm. Cette lacune a compliqué les activités de tournage dans la province. La normalisation du format de 16 mm en 1923 a réduit les coûts de moitié et permis aux photographes, aux amateurs bien nantis et à d'autres personnes déterminées de commencer à tourner des films. Le format 8 mm date de 1935 et à partir de cette année-là, presque n'importe qui pouvait filmer ce qu'il voulait, bien que la Deuxième Guerre mondiale se soit interposée et ait préoccupé tout le monde. Nous avons finalement construit nos propres installations pour développer les films dans la province en raison de l'explosion de la télévision vers la fin des années 1950.
Les exigences relatives à l'éclairage restèrent techniquement astreignantes jusqu'à tout récemment. C'est ce qui explique que la majorité de la production cinématographique néo-écossaise ait été réalisée à l'extérieur, limitant ainsi ce que la caméra pouvait capter. Par conséquent, presque tous les films inclus dans la cinémathèque virtuelle présentée ici furent tournés à l'extérieur. Tout ce qui était filmé à l'intérieur devait être soigneusement organisé et planifié, bien que l'éclairage artificiel ait été plus uniforme que l'éclairage extérieur. À cause de toutes ces contraintes techniques, nous étions toujours limités, prudents et déterminés par rapport à ce que nous filmions dans la première moitié du 20e siècle.
Le son pour accompagner l'action, chose que nous tenons aujourd'hui pour acquis, était aussi une technique complexe durant les cinquante premières années du cinéma. Il était techniquement possible de marier le son enregistré au film depuis la fin des années 1920, soit cinq longues décennies après le début de l'enregistrement du son, mais ce n'était ni facile ni courant. En particulier, enregistrer les sons de la manifestation ou du film qu'on tournait pour les intégrer au film à l'étape de la projection resta chose difficile jusque dans les années 1950 quand l'enregistrement magnétique devint populaire. Par conséquent, presque tous les films présentés dans l'exposition sont muets; la musique et la narration furent ajoutées plus tard en studio pour les productions destinées à un plus grand public. C'est une grosse perte pour nous aujourd'hui. Le son est peut-être moins évident que l'image, mais il donne un complément d'information; il nous dit où nous sommes, qui nous regardons et ce que nous devons observer. Nous devons donc regarder les films de cette période plus attentivement que nous le faisons actuellement afin de discerner qui nous étions et comment nous vivions.
Les caméras apportées sur le terrain pour filmer des célébrités ou des manifestations prévues dignes de mention initièrent la tradition de produire une grande quantité d'actualités filmées. Malgré l'énorme quantité de films de cette nature tournés au siècle dernier, il en reste curieusement très peu aujourd'hui, probablement parce que la majorité des personnalités et des manifestations filmées ont rarement gardé notre intérêt très longtemps et que personne n'a systématiquement archivé ces films avant la dernière partie du 20e siècle. Toutefois, des films continuent de réapparaître dans des endroits insolites et inattendus. Par exemple, le film tourné en 1919 par la Canadian Universal Film Company montrant Alexander Graham Bell qui faisait l'essai de son hydravion à Baddeck a été trouvé dans une piscine abandonnée à Dawson City en 1978 durant des travaux d'excavation pour la construction d'un nouvel édifice. Plus de films de cette nature attendent sans aucun doute d'être découverts dans des endroits inattendus un peu partout.
Les films les plus rares, et par conséquent les plus précieux, sont ceux qui captaient des événements non planifiés et imprévus qui prirent de l'importance avec le temps. Le film de 13 minutes tourné par le photographe professionnel Walter MacLaughlan le lendemain de l'explosion d'Halifax en 1917
et montrant les décombres, les ruines et le blizzard qui sévit durant la nuit est sans aucun doute parmi les films les plus importants conservés à Archives Nouvelle-Écosse. La numérisation récente de ce film, qui permet de corriger la vitesse sans tenter de le restaurer, nous permet d'étudier le film exactement comme il a été tourné et comme il a vieilli avec le temps au lieu de le présenter sous un format amélioré, par conséquent altéré, et cela malgré les meilleures intentions du monde. De la même manière, en 1938, Wallace MacAskill, un photographe professionnel qui travailla en Nouvelle-Écosse de 1907 à 1948, saisit sur film la goélette Bluenose dans la dernière course internationale des pêcheurs (Fishermen's International Race) et en 1945, Lionel Shatford utilisa sa caméra pour filmer les foules durant les émeutes du Jour de la Victoire à Halifax . Ces deux films sont conservés à Archives Nouvelle-Écosse.Les films promotionnels furent d'abord réalisés pour encourager l'immigration et le tourisme, ensuite pour annoncer les progrès industriels et enfin pour vendre tout et n'importe quoi. Ces films étaient rarement conservés systématiquement, mais parce qu'ils étaient des outils de marketing, on en faisait de nombreuses copies qui étaient envoyées dans toutes les directions. Certaines survécurent par pur hasard. Le gouvernement parrainait fréquemment ce type de films, ce qui a souvent facilité la conservation. Ainsi, les productions du Canadian Government Motion Picture Bureau, l'ancêtre de l'Office national du film, qui commencèrent en 1923, sont d'une grande importance pour observer qui nous étions et comment nous vivions à cette époque.
La construction soignée des messages et les budgets de production relativement ambitieux de ces premiers films promotionnels et industriels permirent aux producteurs de faire des films plus proches du rêve que de la réalité. Malgré tout, ces films sont un rappel, bien qu'involontaire, de qui nous étions et de comment nous vivions. Les scènes qui montrent la citadelle d'Halifax et le front de mer dans Across Canada with Ford (1925) sont les plus anciennes de ce type de documentation que nous ayons. Plus tard, dans les films produits par le Nova Scotia Film Bureau pour promouvoir le tourisme et l'industrie, la caméra était souvent dirigée vers des scènes ou des activités que le gouvernement provincial voulait que le monde voit. Quand nous les regardons, 40 ou 50 ans plus tard, nous voyons des scènes poignantes de qui nous étions et de qui nous voulions être.
Nous étions également déterminés à raconter nos propres histoires et ce fut exactement la démarche audacieuse et ambitieuse de la Canadian Bioscope Company, créée à Halifax en 1912. Cette entreprise réunit des capitaux et des talents américains et locaux pour produire Evangeline, le premier long métrage dramatique du Canada, qui sortit en février 1914. Le film était basé sur le poème épique de Henry Wadsworth Longfellow, qui raconte l'histoire fictive d'Évangeline et de Gabriel, des amants tragiquement séparés durant la déportation des Acadiens en 1755 et qui, dans le poème et probablement le film, passent toute leur vie à essayer de se retrouver. La déclaration par la Canadian Bioscope Company qu'elle avait tourné à l'endroit même où les événements décrits dans le poème de Longfellow s'étaient déroulés avait donné au film une grande authenticité. Toutes les descriptions du produit fini suggèrent que ce fut un succès à la fois commercial et artistique. Les archivistes du film au Canada continuent les recherches pour retrouver ce film disparu depuis longtemps afin que nous puissions déterminer par nous-mêmes ce qu'il aurait pu nous dire de nous.
On a trouvé des indications de la présentation du film et des critiques de New York à Regina, ce qui nous donne des indices terriblement excitants jusqu'en mai 1914; puis, plus rien. Le succès de la compagnie par contre lui a permis de faire trois autres courts-métrages dramatiques et trois comédies. Selon les renseignements qui existent encore sur ces films, aucun n'avait la prétention de nous dire quoi que ce soit à notre sujet. La compagnie et tous ses biens disparurent avec le début de la Première Guerre mondiale. Mais nous continuons à chercher. Il y a plusieurs années, un homme du nom de James Billman a apporté à Archives Nouvelle-Écosse deux photographies de scènes tournées dans le jardin de ses parents en 1914. Il se souvenait clairement de ne pas être allé à l'école ce jour-là et d'être resté à la maison. Il se souvenait du chat de la maisonnée qui avait traversé la scène de tournage et plus tard, assis sur les genoux de son père dans la salle de cinéma, d'avoir surveillé l'apparition du chat sur l'écran. Compte tenu qu'il y aura bientôt 100 ans que ce film a été tourné, nos espoirs de retrouver ce trésor perdu depuis si longtemps diminuent mais ne meurent pas.
Ce fut quelqu'un qui venait d'ailleurs qui documenta la première fois qui nous étions et comment nous vivions avec une caméra. Frederick William Wallace était un écrivain et un photographe de Montréal. Il vint à Digby en 1911 pour couvrir une course de goélettes de pêche à voile dans le bassin de l'Annapolis. Il se rendit compte que la flotte de pêche de Digby était la toute dernière qui était composée de goélettes à voile. Il entreprit alors sept voyages à bord de ces goélettes au cours des cinq années suivantes et photographia les bateaux, les hommes et leur travail. Il fit des dessins, écrivit dans son journal personnel et, au cours de son dernier voyage en 1916, il se servit d'une caméra Williamson. Son film, Seamen Courageous fut présenté à Digby et à New York avec beaucoup de succès, puis semble avoir disparu au moment où on en faisait une copie pour sa distribution.
Les voyages de Wallace influencèrent ses écrits durant toute sa carrière. Ses photographies témoignent d'un œil attentif et prudent qui observait un mode de vie en changement. Seamen Courageous, qui présentait les pêcheurs néo-écossais comme des hommes braves et pleins de ressources, ouvrit la voie à Nanook of the North (1920), le film emblématique de Robert Flaherty. Le film de Wallace fut probablement plus authentique et transparent que celui de Flaherty pour saisir qui nous étions et comment nous vivions. Par exemple, tandis que Flaherty demanda aux Inuits de tuer un morse sans fusil alors qu'ils utilisaient déjà des fusils à l'époque, Wallace refusa que ses amis pêcheurs sortent par gros temps et mettent leur vie en danger simplement pour lui offrir de meilleures prises de vue, et cela même si les pêcheurs eux-mêmes lui avaient offert de le faire.
Un autre observateur de la vie en Nouvelle-Écosse venu d'ailleurs pour rester fut Alexander Leighton qui, dès l'âge de huit ans, passait ses étés dans la province. En 1927, à l'âge de 19 ans, il filma un voyage en canot à travers le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Il fit une carrière universitaire et fréquenta les universités de Cornell, de Harvard et de Dalhousie, se spécialisant en psychiatrie, en anthropologie et en sciences du comportement. Il revint presque chaque été à Smith's Cove et continua de filmer la vie autour de lui. Un jour, c'était une colonie de castors
, un autre jour les industries traditionnelles du comté de Digby, et en 1936, une chasse au marsouin par les Mi'kmaq de la Première Nation Bear River . Leighton révéla de façon perspicace qui nous étions et comment nous vivions. Sa collection constitue un pilier de la cinémathèque virtuelle.Avec l'arrivée de la pellicule de 16 mm dans les années 1920, des gens de tous les milieux utilisèrent la caméra pour filmer parents et amis, les vacances, les voyages de pêche, les célébrations à Noël et toute autre chose qui captait leur intérêt. Ils allèrent à Porter's Lake, au lac Molega, à Guysborough, au Cap-Breton, en Gaspésie, aux Bermudes, en Californie, en Europe et ailleurs dans le monde et ils apportèrent leur caméra avec eux. Ils eurent du plaisir avec leurs appareils et ils posèrent pour la galerie, jouèrent des tours et prirent des risques. Ils se révélèrent comme nous ne le ferions jamais de nos jours.
Harold Weir documenta son voyage en Angleterre en 1936
, y compris les funérailles du roi George V, son voyage de noces au Cap-Breton en 1938 , et bien d'autres choses avec les années. Betty Lewis filma avec soin chaque maison et chaque commerce de Bridgetown vers la fin des années 1940. La société historique de la localité ajoute maintenant une bande sonore pour identifier quelques 700 scènes distinctes. Eugene Freeman filma méticuleusement les activités à la papetière de la Minas Basin Pulp and Paper Company à Hantsport, l'arrivée du cirque des Robbins Brothers' sur les Commons d'Halifax Commons dans les années 1930, les lanciers du Bengale et la construction de son pavillon dans le comté de Queens dans les années 1940. Il continua à capter le monde autour de lui jusque dans les années 1960. Des douzaines de collections « d'amateurs » comme eux présentent magnifiquement qui nous étions et comment nous vivions, et des douzaines de collections semblables existent toujours dans la province, chez des particuliers, et attendent avec impatience que nous procédions à leur conservation. Si ces films ne sont pas archivés bientôt pour être conservés soigneusement, nous perdrons encore plus de cette chance inestimable de découvrir qui nous étions et comment nous vivions.Au premier coup d'œil, beaucoup de films semblent sporadiques, tournés au hasard, mal planifiés, voire accidentels. Certains photographes indiquaient méticuleusement ce qu'ils filmaient, d'autres pas du tout. Parfois, les films des amateurs conservèrent mieux leurs couleurs que les films professionnels tournés en 35 mm. Aujourd'hui, une gestion et un traitement soignés peuvent tirer de ces films ce que leurs créateurs imaginaient vouloir regarder … et cela fois après fois. Les résultats sont parfois naïfs et innocents, mais ils en sont plus honnêtes et transparents.
Beaucoup des premiers photographes, tant amateurs que professionnels, étaient aussi des aspirants cinéastes, surtout à cause de la diminution du coût de l'équipement. Ils furent très méticuleux dans leurs activités cinématographiques et ne reculèrent devant rien. Edward Bollinger, qui deviendra le propriétaire du Camera Shop à Halifax, se rendit au carnaval de la Première Nation Bear River en 1934 où il filma des autochtones prenant part à des activités sportives
. Il filma aussi les célébrations du jour de la fondation à Annapolis Royal. Allan Fraser, photographe aux nouvelles du journal Halifax Herald, compila un « album de films » dans les années 1930 qui comprenait entre autres Woodland Dance réalisé par Madame Hylda, la démonstration d'un vêtement de flottaison pour la plongée en haute mer et bien d'autres choses qui étonneraient les théoriciens du cinéma les plus ésotériques d'aujourd'hui.Ces cinéastes éditaient soigneusement leurs productions, ajoutant souvent des titres intercalaires intrigants, se montraient mutuellement leurs films et les entraient dans des compétitions de cinéastes. Lors de la visite royale en mai 1939, ils collaborèrent en plaçant leurs caméras dans des endroits stratégiques le long du parcours du cortège royal et réalisèrent collectivement un film couleur, comme le faisaient les clubs de cinéastes partout en Amérique du Nord. Les pellicules en couleur étaient encore rares mais elles étaient quand même accessibles aux amateurs depuis la fin des années 1930 et utilisées pour des occasions spéciales.
Les histoires racontées par les gens qui venaient d'ailleurs nous en disent peut-être moins sur qui nous étions et comment nous vivions, bien que nous ne puissions en être certains étant donné que ces films sont en général les moins accessibles. Par exemple, les films commandés par les compagnies d'actualités filmées, même quand ils étaient tournés par des professionnels locaux tels que Bollinger ou Sam Short, se retrouvèrent entreposés quelque part aux États-Unis et furent inaccessibles aux générations suivantes. Chose curieuse, le plus ancien exemple d'une histoire néo-écossaise exportée et filmée ailleurs a survécu. Acadian Elopement, filmé au New Hampshire en 1907, racontait l'histoire d'un couple en fuite auquel il arrivait une série de mésaventures contées de façon maladroite, confuse et avec beaucoup de clichés. Ce film fut le début d'une présentation stéréotypée de la Nouvelle-Écosse dans les films, qui dura longtemps, et qui nous en dit plus sur ce que le monde s'attendait à trouver ici que sur qui nous étions [réellement] et comment nous vivions.
On tourna plusieurs films sur l'histoire d'Évangéline. La version d'Edison, en 1909, clamait que le film avait été filmé en Nouvelle-Écosse, mais aucune observation ou aucun rapport sur la production n'est jamais venu le confirmer. La version la plus célèbre, avec Delores Del Rio dans son premier film parlant (1929), promettait d'amener les acteurs et l'équipe de tournage en Nouvelle-Écosse, mais ils furent envoyés en Louisiane et, à nouveau, le produit ne nous dit rien sur qui nous étions et comment nous vivions.
Deux des romans de Frederick William Wallace dont l'action se déroule en Nouvelle-Écosse sont devenus des films : Blue Water (1914), basé sur une village de pêcheurs de la baie de Fundy, et Captain Salvation (1925), dont l'action commence à Digby. Blue Water aurait pu nous dire quelque chose de nous. Il fut filmé en partie sur la côte néo-brunswickoise de la baie de Fundy par Ernest Shipman, un Canadien qui rêvait d'être un nabab du cinéma, et il mettait en scène la goélette Robert and Arthur de Digby avec son capitaine et son équipage. Le film sortit en 1924 et fut bien accueilli par la critique, mais il rencontra rapidement des problèmes de distribution et disparut. Captain Salvation, un film muet de 1929, survit dans les salles d'entreposage de la Warner Brothers, mais apparemment il déforme encore plus le roman qui était déjà une histoire fantaisiste qui combinait le jeu, l'ivresse et beaucoup trop d'histoires d'amour.
Notre plus gros reportage filmé du 20e siècle, l'explosion à la mine de Moose River en 1936, avait peu d'éléments visuels parce que tout se passait sous terre. Toutefois, grâce à la radio, il fut entendu partout dans le monde parce J. Frank Willis réquisitionna le seul appareil téléphonique, imagina ce qui se passait sous terre et inventa le reportage de nouvelles en direct. Évidemment, l'événement devint un film, Draegerman Courage, réalisé par Louis King, qui sortit l'année suivante. Dans le film, le médecin et le propriétaire de la mine étaient parmi les trois hommes prisonniers sous terre, il y avait une histoire d'amour entre la fille du médecin et le chef des draegermen, et beaucoup d'autres éléments venaient ajouter de l'intérêt. Ce serait bien de le visionner, mais il nous en apprendrait probablement davantage sur la façon dont le monde imaginait la Nouvelle-Écosse.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, la province suscita beaucoup d'intérêt auprès du public à cause de son rôle stratégique dans l'offensive alliée. On tourna des documentaires et des films dramatiques pour raconter ces histoires. L'un de nos rôles les plus importants était de servir de lieu de rassemblement pour les convois d'hommes, de munitions et d'approvisionnements qui traversaient l'Atlantique Nord pour appuyer l'effort de guerre. Les corvettes étaient les principaux navires d'escorte pour ce service essentiel. Action Stations (1942), un documentaire de l'Office national du film, montrait l'une de ces corvettes et son équipage en action. À cause de la sécurité en place en temps de guerre, il n'était pas possible de filmer quoi que ce soit qui pouvait identifier des gens ou des endroits, mais curieusement, le film K-225, un drame produit par Hollywood en 1943 et mettant en vedette Randolph Scott et Andy Devine, racontait la même histoire, et nous révélait passablement plus de choses sur nous. Le film montrait la construction d'une corvette à Pictou, des activités de recrutement sur le campus de l'université Dalhousie et des scènes réelles filmées sur le campus et sur le front de mer d'Halifax.
Nous étions ambivalents à propos de deux films à la mode hollywoodienne tournés en Nouvelle-Écosse. Johnny Belinda, basé sur l'histoire d'une sourde et muette et de sa collectivité de l'Île-du-Prince-Édouard, fut filmé au Cap-Breton. En 1949, Jayne Wyman remporta l'Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation de l'héroïne du film, d'où les gros titres dans les journaux saluant le premier Oscar de la Nouvelle-Écosse. Cependant, beaucoup de gens furent mal à l'aise de voir la province représentée comme un endroit arriéré et mesquin. C'est pourquoi le film britannique High Tide at Noon, réalisé en 1957, dont l'action se passait sur une île anonyme de la Nouvelle-Écosse et qui racontait une histoire de viol et d'étroitesse d'esprit de la part collectivité, fut filmé dans la province mais sans l'aide gouvernementale à laquelle s'attendaient les producteurs.
Visionner qui nous étions changea de façon draconienne vers la fin des années 1950. La télévision fit son entrée dans nos maisons et du jour au lendemain, il n'était plus nécessaire de sortir pour voir un film. L'image en mouvement se transforma en une expérience plus intime, plus personnelle, tout en devenant instantanément plus omniprésente. Plus de la moitié de tous les résidents d'Halifax allaient voir au moins un film par semaine avant l'arrivée de la télévision en décembre 1954. Quelques années plus tard, 85 % des foyers avaient un appareil de télévision et la moyenne des heures d'écoute était de 4 heures par jour. Sortir pour aller à une manifestation sportive, voir un film ou faire toute autre activité déclina rapidement et de façon appréciable.
Si la Nouvelle-Écosse commença tôt à regarder des films, elle commença tard à explorer le nouveau média qu'était la télévision. Compte tenu de notre place stratégique sur les lignes de navigation transatlantiques et de la proximité du marché américain, la présentation de films commença ici dès septembre 1896, quelques mois à peine après les premières projections cinématographiques ailleurs dans le monde. Mais, pour ce qui est de la télévision, malgré la proximité des États-Unis où la télévision était née, nous étions juste au-delà de la portée des nouveaux émetteurs, à moins de vivre à Yarmouth au sommet d'une colline. Alors nous avons eu peu d'exposition précoce à ce nouveau média. Cela nous a permis d'être inventif et distinctif dans la création de nos propres émissions pour la télévision. Don Messer and His Islanders fut notre premier succès, un succès que le Haut-Canada n'a d'ailleurs jamais compris.
Voir sur film qui nous étions et comment nous vivions de 1917 à 1957 est seulement possible quand un film survit. Selon les données, 50 % de tous les films tournés à Hollywood avant 1950 ont été perdus et il reste encore moins de films canadiens de cette période. Pour la période des films muets, il s'agit de 80 à 90 % de toute la production qui a disparu. Moins d'un pour cent des films non commerciaux ont été systématiquement archivés. La numérisation nous donne un accès incroyable à tout le matériel archivé, mais c'est un travail minutieux, complexe, qui dépend des ressources; comme moyen d'accès à notre passé, elle ne sera jamais totale. Compte tenu de ces limitations, la cinémathèque virtuelle présentée ici est d'autant plus étonnante et importante. Ce que vous verrez sur le site Web n'est qu'une très petite portion de l'univers cinématographique créé dans la province au cours de la première moitié du 20e siècle. Les films sont rares et de plus en plus à risque, et ils méritent d'être étudiés attentivement.
Néanmoins, les films choisis nous permettent de voir et d'explorer qui nous étions et comment nous vivions, de haut en bas et de bas en haut. Ils nous montrent au travail et au jeu, sur scène ou à la fête, prospères et survivants, à notre meilleur... et parfois pas. Ils nous montrent comment les autres nous voyaient et comment nous nous voyions. D'une façon ou d'une autre, ils nous montrent qui nous étions et comment nous vivions. Bon visionnement.
Ernest J. Dick
Historien du son et du film
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