Nova Scotia Archives

Des hommes et des mines

Une histoire de l'exploitation minière en Nouvelle-Écosse de 1720 à 1992

Les catastrophes minières

La vie d’un mineur a toujours été sombre, dangereuse et précaire; il vivait dans les profondeurs de la terre et, dans le cas des mines de charbon de la Nouvelle-Écosse, il s’agissait souvent de tunnels souterrains humides et froids qui s’étiraient sur plusieurs kilomètres sous le fond de l’océan Atlantique. Le charbon et l’or ont souvent porté la trace du sang du mineur mélangé à la sueur qui a coulé de son front.

Les mineurs vivent avec la menace constante de la mort et sont souvent victimes de tragédies souterraines : coups de poussier, éboulements de roche et de charbon et asphyxie provoquée par les gaz; d’autres sont morts noyés, happés par la machinerie, ou renversés par des wagons de charbon. À la surface, les mineurs des mines de charbon succombent à la silicose, à la pneumoconiose des mineurs et à d’autres maladies liées au fait de respirer de la poussière de charbon. Quand aux mineurs des mines d’or, ils succombent aussi à la silicose et parfois à l’intoxication par l’arsenic.

Pendant près de trois cents ans d’activité minière en Nouvelle-Écosse, un nombre impressionnant de mineurs et de travailleurs des carrières ont été tués dans des catastrophes, petites et grandes. Parmi les grandes catastrophes liées à l’exploitation du charbon au cours des 130 dernières années, notons les suivantes :

tandis que l’accident le plus inoubliable dans une mine d’or est la Catastrophe à la mine d’or de Moose River en 1936.

Que la catastrophe soit grande ou petite, chacune a entraîné la mort et la destruction et a provoqué un bouleversement émotionnel et des difficultés économiques pour les familles des victimes. À une échelle plus grande, pour chaque accident qui se produit, il y a une corrélation directe entre l’événement et son impact sur la viabilité économique et sociale de la collectivité visée.

Par exemple, Perley W. Smith, dans son ouvrage intitulé History of Port Hood and Port Hood Island (1967), raconte l’histoire d’une mine de charbon qui a ouvert dans cette localité en 1906. On construit alors des magasins et de nouvelles maisons, des mineurs et leur famille affluent dans la région, des avocats, des médecins et d’autres professionnels ouvrent leurs bureaux pour offrir des services à la localité. « L’ensemble du district a connu une prospérité générale, fait remarquer Smith, mais cette prospérité a vite connu un grave revers. » Le 7 février 1908, une explosion à la mine de Port Hood tue dix mineurs –– quatre résidents de la région et six immigrants bulgares. Puis, une autre tragédie se produit en 1911 lorsque de l’eau de mer inonde les galeries aménagées sous le fond de l’océan. Beaucoup de mineurs quittent la localité pour aller trouver du travail ailleurs; beaucoup parmi ceux qui restent se tournent vers la pêche. Les médecins et les avocats repartent aussi, peu à peu. Une grande partie de la vitalité de la localité disparaît, et enfin, pour venir confirmer le ralentissement économique, l’électricité est coupée pour n’être rétablie qu’en 1938.


Tout au long des années, on a identifié et noté le nom de 2581 personnes qui sont mortes en Nouvelle-Écosse à la suite de catastrophes ou d’accidents miniers. On rend honneur à leur mémoire par le truchement d’une Base de données sur les décès dans les mines, 1838–1992 qui fait partie du présent site Web. Pour chaque personne, la base de données contient le nom, la date, l’endroit et les circonstances entourant le décès, et le type d’activité minière auquel cette personne se livrait. La liste ne sera jamais complète, mais on se souviendra toujours de ces personnes.



La catastrophe de la mine de charbon Drummond, 1873

La catastrophe de la mine de charbon Drummond en mai 1873 est la première catastrophe minière d’envergure en Nouvelle-écosse. La mine de charbon Drummond, située à Westville dans le terrain houiller de Pictou, employait environ 350 hommes et jeunes garçons; on se servait de poudre noire et de pioches pour extraire le charbon.

Le mardi 13 mai 1873, un mineur du nom de Robert McLeod place une charge explosive normale dans la partie supérieure du front de taille; une quantité inhabituelle de gaz s’enflamme et se répand. Bien qu’il tente pendant vingt minutes d’éteindre les flammes, la mine se remplit de fumée, la ventilation s’arrête et le gaz continue à s’accumuler. Le directeur, John Dunn, voit bien que les flammes ne peuvent plus être maîtrisées et il ordonne l’évacuation. Il est trop tard; au moment où il tente de sortir, la première explosion se produit et la plupart des mineurs qui travaillent alors sous terre sont immédiatement tués ou blessés.

Les mineurs qui travaillent dans les mines situées tout près accourent et entreprennent de sauver les hommes et les garçons emprisonnés dans la mine. On peut entendre clairement leurs gémissements qui parviennent à la surface par le puits d’air de la mine. Au milieu de la confusion, une deuxième explosion se produit. Edward Burns, qui descendait alors dans la mine, est tué sur le coup; deux autres sauveteurs, Hudson et Coxon, s’affairaient à étudier un plan de la mine lorsqu’ils évitent de justesse d’être écrasés par un rocher projeté des profondeurs.

Des flammes de 1400 pieds de hauteur surgissent de la mine, tandis que des pierres, du bois et de l’équipement sont projetés hors des puits plus petits situés tout près du puits principal, et sont retrouvés un quart de mille plus loin dans les bois. Les habitants du quartier des mineurs (logement de la compagnie) situé tout près sont chassés de leurs maisons par les débris qui tombent du ciel, tandis que des explosions continuent à gronder toute la soirée et jusqu’au lendemain.

Les journaux de la province ont vite rapporté que « La violence de l’explosion a secoué la terre à des milles à la ronde. Les habitants de Westville et de Stellarton étaient très effrayés parce qu’ils ne savaient pas à quel point la catastrophe allait se poursuivre ni si une autre explosion du genre allait se produire. » Westville était en deuil, les commerces étaient fermés et « Les hommes et les femmes se déplaçaient en groupe, leurs visages tristes témoignant du grand malheur qui les accablait. Presque chaque famille avait perdu un parent ou un ami dans cette terrible calamité. »

Durant cinq jours, la mine a été inondée puis remplie de broussailles, de gravier et de débris jusqu’à ce qu’elle soit scellée hermétiquement.


L’explosion de la mine de charbon No12, 1917

L’explosion de la mine de charbon No 12 à New Waterford, en juillet 1917, est une autre des grandes catastrophes minières survenues en Nouvelle-Écosse. Environ 270 hommes se trouvent dans la mine à 7 h 20 le 27 juillet lorsqu’il se produit une horrible explosion concentrée entre les niveaux 5 et 7, à 2000 pieds le long de la fendue. Quatre-vingt-dix hommes manquent toujours à l’appel plusieurs heures après l’explosion; vingt-cinq d’entre eux seront sauvés par la suite.

John McKenzie et Phillip Nicholson, deux ouvriers de 17 ans affectés dans les installations de surface, sont morts après avoir pénétré dans la mine pour prêter main forte. Le mineur William Cook ira neuf fois dans les profondeurs de la mine pour sauver ses collègues mineurs avant de succomber au gaz. En fin de compte, 65 personnes sont mortes, dont 22 Terre-Neuviens, sept d’entre eux provenant d’un petit village de pêcheurs. Leurs dépouilles sont ramenées dans leur localité pour y être inhumées. À cette époque, de nombreux immigrants européens travaillent dans les mines du Cap-Breton et l’un des miracles de la catastrophe de la mine de charbon No 12 est celui de ce mineur allemand pris sous terre et qui aura survécu en restant accroché à une conduite d’air jusqu’à ce qu’il soit finalement sauvé.


Les catastrophes à la mine de Springhill en 1891, 1956 et 1958

Springhill est une localité légendaire dans l’histoire minière de la Nouvelle-Écosse, ses trois catastrophes étant des rappels inoubliables de l’énorme tribut humain payé pour oser défier les profondeurs de la terre. La première catastrophe minière de Springhill se produit le 21 février 1891 lorsqu’une accumulation de poussière de charbon provoque une terrible explosion qui souffle les mines numéros 1 et 2, faisant 125 morts et des dizaines de blessés. Les contributions au Fonds d’aide aux mineurs arrivent de partout au Canada et dans l’Empire britannique, y compris de la reine Victoria. Le nombre de morts est sans précédent pour le dix-neuvième siècle au chapitre de l’histoire minière en Nouvelle-Écosse et au Canada.

La deuxième explosion à Springhill survient le 1er novembre 1956. Un train minier transportant vers la surface un chargement de fine poussière de charbon rencontre un courant d’air frais poussé vers le bas dans le puits de mine No 4. La poussière est poussée dans l’air et se disperse partout sous forme de nuage de particules. Au même moment, plusieurs wagons se détachent du train et commencent à repartir en direction inverse vers la mine, déraillent et frappent ensuite une ligne électrique, ce qui provoque un arc qui allume la poussière de charbon en suspension. L’explosion qui en résulte, alimentée par l’oxygène additionnel, produit un énorme souffle qui détruit la recette supérieure du plan incliné situé à la surface. D’héroïques draegermen (sauveteurs miniers équipés d’appareils respiratoires de marque Dräger) et des mineurs sans aucun appareil respiratoire pénètrent immédiatement dans la mine et parviennent à sauver 88 mineurs; par contre, 39 autres ne peuvent pas être sauvés et meurent dans l’explosion.

La troisième catastrophe minière de Springhill se produit deux ans plus tard, le 23 octobre 1958, à la suite d’un « coup de charge », phénomène sismique souterrain qui se produit lorsque le charbon se détache d’une veine ou d’une taille, généralement à cause de forces naturelles irrégulières, ou de manière inattendue durant l’extraction. Le stress qui en résulte peut entraîner l’effondrement immédiat du sous-sol rocheux environnant, entraînant aussi l’effondrement des piliers de soutien en bois et du plafond des tunnels de la mine et des galeries. Les énormes pressions internes ainsi créées et dégagées peuvent aussi se faire sentir le long et à l’intérieur du filon de charbon. Le coup de charge de Springhill en 1958 est le plus important de l’histoire minière nord-américaine.

Le coup de charge à Springhill prend la forme de trois ondes de choc distinctes, chacune ressemblant à un petit tremblement de terre. Les gens à la surface comprennent vite que la catastrophe s’étend sur une grande surface souterraine. Les draegermen et les mineurs sans appareil respiratoire descendent immédiatement et travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses. Ils aident les premiers survivants, trouvés en train de marcher ou de boiter vers la sortie, ils rencontrent des concentrations de plus en plus importantes de gaz mortel libéré par le coup de charge, et ils travaillent dans des puits instables, partiellement démolis, ou complètement bloqués par des débris. Les derniers survivants sont retrouvés le 1er novembre; par la suite, les sauveteurs ne rencontreront que des morts, les corps étant dans un état de décomposition tellement avancé qu’ils sont remontés à la surface dans des cercueils en aluminium fermés hermétiquement. Parmi les 174 mineurs qui travaillent à la mine de charbon No 4 au moment du coup de charge, 100 sont pris au piège puis sauvés; 74 mourront.

Les catastrophes minières de l’époque et celles d’aujourd’hui attirent immédiatement l’attention du public partout dans le monde. Les médias canadiens et internationaux se sont rendus à Springhill après le coup de charge. La catastrophe a eu un effet profond et inhabituel sur le grand public puisque c’était la première nouvelle internationale importante à être couverte en direct à la télévision. Il s’agissait là d’un nouveau service en train d’être développé par la Canadian Broadcasting Corporation (CBC). L’intérêt des médias était aussi très grand le 30 octobre lorsque S.A.R. le prince Philip, duc d’Édimbourg, accompagné du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Robert L. Stanfield, a effectué une visite imprévue sur les lieux de la catastrophe.


La catastrophe de Westray, 1992

La mine Westray ouvre à Plymouth, dans le comté de Pictou, le 11 septembre 1991. Les mineurs se plaignent vite des mauvaises conditions de travail, surtout du fait qu’ils travaillent continuellement dans une épaisse poussière de charbon. Dans un rapport sur la sécurité, un représentant syndical local déclare que, à son avis, quelqu’un se fera tuer dans cette mine dans un proche avenir. Deux mois après ces commentaires prophétiques, une explosion de méthane secoue la mine le 9 mai 1992, tuant 26 mineurs.

Encore une fois, les médias canadiens et internationaux convergent vers la Nouvelle-Écosse pour couvrir une tragédie minière. Des draegermen parcourent le puits et les tunnels à la recherche de survivants, mais ne trouvent que les corps de 15 mineurs morts. Les conditions souterraines sont tellement dangereuses qu’il faut abandonner les efforts pour retrouver les mineurs. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse mettra sur pied une Commission royale d’enquête sur la mine Westray et le rapport final, rendu public en 1998, recommande une révision complète des lois provinciales existantes concernant les mines et les conditions de travail. Aujourd’hui, un monument aux victimes est érigé dans un petit parc de la toute petite localité de Plymouth. Le monument marque, à la surface de la terre, l’endroit approximatif où, dans les profondeurs de la mine détruite, reposent les corps des 11 autres mineurs qui ont péri, retenus à tout jamais dans ce tombeau naturel.


La catastrophe minière de Moose River, 1936

Un petit accident minier en apparence peu important, survenu en Nouvelle-Écosse en 1936, prend rapidement une importance internationale et deviendra alors une légende dans l’histoire de la radiodiffusion canadienne, et ce tout simplement parce que les bonnes personnes et le bon équipement sont réunis au bon moment.

Le 12 avril 1936, le Dr David E. Robertson, Herman Magill et Alfred Scadding sont pris par un éboulement au niveau de 141 pieds dans la mine d’or de Moose River, loin dans le comté d’Halifax. Robertson, médecin-chef au Hospital for Sick Children de Toronto, et Magill, un avocat de Toronto, sont deux des propriétaires de la mine; Scadding est un employé.

Roland H. Sherwood, dans Story Parade, explique que « la communication bidirectionnelle avec les hommes sous terre était importante, alors la compagnie de téléphone [Maritime Telegraph & Telephone] a rapidement apporté du câble, des hommes et des amplificateurs, tandis qu’à l’atelier d’Halifax... [des employés ont construit et testé] un tout petit microphone qui serait assez petit pour être descendu dans un tuyau d’un pouce de diamètre. »

Les journalistes arrivent aussi sur les lieux de l’accident, effectuant pour la première fois au Canada des reportages radio en direct :

Les reportages radio commencent le lundi 20 avril à 18 heures lorsque des bulletins de deux minutes sont diffusés toutes les demi-heures. Durant la période de ces diffusions, 93 bulletins de deux minutes seront diffusés. Un bulletin part de la voiture radio à la mine de Moose River, suit un fil couvert étendu au sol et dans les arbres –– un circuit de 17 milles construit sur la ligne agricole jusqu’à Middle Musquodoboit ––, puis va vers Halifax, et passe enfin sur les lignes de télégraphe du Canadien Pacifique pour atteindre Ottawa. À partir de là, la transmission est distribuée à 58 stations sur tout le réseau de la Canadian Radio Broadcasting Commission au Canada, puis est acheminée vers les réseaux des États-Unis pour y desservir 650 postes de radio. Partout sur le continent nord-américain, les commanditaires d’émissions de radio écourtent leur programmation régulière de deux minutes pour que leurs auditeurs puissent entendre les bulletins radio de Moose River. Il s’agit là de la plus grande chaîne de diffusion en provenance de ce continent et elle établit un record mondial pour l’époque.

Robertson, Magill et Scadding restent prisonniers du puits pendant onze jours, jusqu’à ce que des sauveteurs miniers et des draegermen les atteignent le 23 avril. Pendant ce temps, toutefois, Magill développe une pneumonie et il meurt avant que n’arrivent les secours.

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