Le moment déterminant de l'histoire des Français acadiens au Canada atlantique est, et sera toujours, leur expulsion de la Nouvelle-Écosse — une expulsion et un exil qui auront commencé à l'automne 1755 et qui se seront poursuivis pendant plusieurs années.
Les Acadiens sont les premiers colons européens en Nouvelle-Écosse, emmenés de France dans les années après 1632 pour coloniser ce qui était alors le territoire français de l'Acadie, territoire qui comprend ce que sont aujourd'hui la péninsule de la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard. Dès 1713, lorsque l'Acadie est cédée aux Britanniques pour devenir la Nouvelle-Écosse, les Acadiens y sont bien établis depuis longtemps. Éparpillés dans la péninsule et vivant dans de nombreuses collectivités agricoles relativement isolées, ils se disent neutres sur le plan politique et demandent qu'on ne les dérangent pas et qu'on les laisse vivre en paix sur leurs fermes.
Avec le temps, leur neutralité devient de plus en plus problématique. Surnommés les « Français neutres », ils sont catholiques, ils occupent des terres agricoles précieuses et productives, ils entretiennent des rapports amicaux avec les Mi'kmaq et ils sont énormément plus nombreux que les Britanniques. En revanche, ces derniers sont surtout des protestants de langue anglaise réunis dans des groupements de colonisation isolés où des magistrats nerveux s'efforcent de gouverner efficacement. Tout cela se déroule à une époque où la religion, la langue et les rapports avec les Mi'kmaq sont des indicateurs d'allégeances nationales plus importantes — et ces aspects ont beaucoup d'importance.
En 1754, la Grande-Bretagne et la France se font la guerre en Amérique et il n'est désormais plus sécuritaire que les Français neutres demeurent la population majoritaire en Nouvelle-Écosse; leur présence continue est perçue comme une menace qu'on ne peut pas bien maîtriser. En juin 1755, les Britanniques prennent le fort Beauséjour, stratégiquement situé sur l'isthme de Chignectou, au fond de la baie de Fundy; comme deuxième étape en vue d'assurer la sécurité de la Nouvelle-Écosse, le Conseil à Halifax décide en juillet 1755 de déporter les Français neutres.
Ainsi s'amorce la série d'événements tragiques qui verront le rassemblement des Acadiens, la saisie et la destruction de leurs maisons, de leurs fermes et de leur bétail, leur exil forcé de la Nouvelle-Écosse, et leur dispersion le long de la côte Est des États-Unis jusque dans les Caraïbes et même jusqu'en Europe.
Vous trouverez dans le site Web de la documentation qui a d'abord pris la forme de documents primaires, rédigés à l'époque et conservés durant les années subséquentes; les documents racontent dans les faits les événements qui ont mené à l'expulsion, donnent des descriptions de première main de l'expulsion comme telle ainsi que d'autres détails pertinents concernant les années du grand dérangement. Pris ensemble, ces documents représentent une masse critique de documentation importante – la présentation en ligne la plus importante et la plus complète de documents contemporains concernant la Déportation des Acadiens.
Puisqu'on ne semble pas connaître l'existence de documents rédigés par les Acadiens eux-mêmes et qui auraient survécu au passage du temps, le site Web se fie plutôt sur les dossiers constitués surtout par les Britanniques – mais tout en y incluant divers documents français pertinents des années précédentes. Dans un effort pour faire contrepoids aux documents officiels créés par le gouvernement à Annapolis Royal et à Halifax, le site Web comprend également le journal personnel du colonel John Winslow, commandant des troupes de la Nouvelle-Angleterre chargé de superviser l'expulsion.
Winslow est là durant l'été et l'automne 1755, tant à l'isthme de Chignectou qu'à Grand-Pré; comme observateur, il n'est ni impartial ni désintéressé, mais il est toutefois préoccupé par ce qu'on lui ordonne de faire, par ce à quoi il participe directement, et par ce qu'il voit se dérouler autour de lui. Son journal présente les événements quotidiens avec un souci évident du sens des responsabilités. Sa voix est fiable.
Durant toute la vie de ceux qui ont participé à l'expulsion, des questions de responsabilité et d'obligation de rendre des comptes ont commencé à circuler, accompagnées d'accusations de suppression et de destruction de documents; le débat se poursuit encore aujourd'hui. Dans un effort pour placer les diverses discussions et récriminations dans un contexte approprié, le site Web présente l'extrait pertinent de l'article définitif de Brian Cuthbertson, « Thomas Beamish Akins: British North America's Pioneer Archivist », publié en 1977. Akins était le commissaire aux archives de la Nouvelle-Écosse de 1857 à 1891, et il a participé directement au chapitre du dix-neuvième siècle de cette controverse qui subsiste toujours.
La documentation présentée dans le site Web a été numérisée à partir des versions publiées de documents manuscrits originaux. Publiés pour la première fois il y a près de 150 ans, ces documents font souvent l'objet de discussion ou sont souvent cités dans les histoires de la Déportation. Pendant de nombreuses années, ils ont été peu accessibles et il a donc été difficile de les examiner et de les évaluer en tant que source primaire.
À l'époque où ces documents ont été créés, les gens voyaient le monde et s'exprimaient d'une manière différente de la nôtre. Ainsi, la formulation des documents semblent souvent biaisée ou insultante dans notre contexte d'aujourd'hui. Le rôle de l'archiviste n'est toutefois pas d'écrire l'histoire ni d'en interpréter les preuves, mais tout simplement de mettre les documents à la disposition du public. Leur présentation ici en format numérisé, à l'intention du grand public, encouragera un nouvel examen et une nouvelle analyse, et permettra aux descendants des Acadiens, où qu'ils soient, d'avoir accès à l'événement déterminant dans le développement de leur patrimone et de leur identité.
Nous tenons à remercier le Bureau des affaires acadiennes de la Nouvelle-Écosse pour ses conseils et sa collaboration dans le cadre de ce projet, de même que la Royal Nova Scotia Historical Society pour sa collaboration dans la numérisation de documents d'abord publiés dans les Collections de la société, Volume II (1881), Volume III (1883) et Volume IV (1885). Nous remercions également Brian Cuthbertson et Acadiensis: Journal of the History of the Atlantic Region (Fredericton, N.-B.) qui nous ont permis de publier une grande partie de l'article sur T. B. Akins.
Nova Scotia Archives — https://archives.novascotia.ca/deportation/introduction/
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